Rendez vous à la 21éme minute pour écouter Marco Martella.
"Des villes aux immeubles noircis par la fumée, des campagnes défigurées par une agriculture qui se mécanise, les ravages du tourisme naissant : le décor est planté. Les acteurs ? Des hommes et des femmes avides de richesse, de consommation, au risque d'en oublier le sens même de leur existence. Des êtres qui nous ressemblent. Cette histoire titrée The Lost Garden est un constat désenchanté écrit, en 1912, par Jorn de Précy. Certes, avant lui, certains s'étaient préoccupés d'environnement, comme le prouvent l'inauguration, dès 1872, du parc national américain de Yellowstone et les premières alertes lancées en Europe, conséquences de l'industrialisation naissante. En Angleterre d'abord, puis dans l'Europe tout entière. En France, des ingénieurs forestiers, des naturalistes, relayés par des écrivains, tels Prosper Mérimée, Victor Hugo ou le poète Sully Prudhomme, furent à l'origine de la protection de certains espaces naturels dès la fin du XIXe siècle, à contre-courant de la croyance en un progrès bienfaiteur et une nature inépuisable. Mais le terme d'écologie n'est daté que des années 1960.
C'est donc en visionnaire que Jorn de Précy nous parle de ce système capitaliste avide de croissance, destructeur de l'humain, l'obligeant à des efforts sans fin. Ce matérialisme, il l'oppose au monde naturel qui se suffit à lui-même. L'auteur passera la plus grande partie de sa vie à créer son refuge : le jardin idéal. Ce sera à Greystone, dans l'Oxfordshire. L'Angleterre n'est-elle pas la patrie des jardins ? Une fois de plus, il anticipe. Son jardin sera sauvage, en mouvement. Les plantes s'y ressèmeront librement, le jardinier dilettante se contentera de réguler la vie sauvage des arbres, plantes et graminées. "Jardiniers, soyez paresseux !",intime-t-il aux amateurs. Selon lui, la priorité est aux herbes hautes, aux marguerites, aux renoncules et aux coquelicots. A la vigne aussi, partout, comme elle vient. Voici venu le temps de la biodiversité, un mot qui reste encore alors à inventer. Et ce bréviaire d'avant-garde n'aurait surpris aucun esprit éclairé depuis 1912. Cent ans d'incognito, si l'on en croit Marco Martella, historien spécialisé passionné et fin connaisseur de l'art des jardins anglais.
Lui assure avoir découvert The Lost Garden il y a trois ans, par un hasard dans un marché aux puces de Londres. Il l'aurait tout simplement traduit et titré Le Jardin perdu. Le livre a reçu, le 2 juin, dans le cadre enchanteur du château du Lude (Sarthe), le prix Pierre-Joseph Redouté dans la catégorie littéraire (du nom du peintre du début du XIXe siècle, dit le "Raphaël des fleurs"), un prix considéré comme le "Goncourt des jardins". Et, quand on demande à l'heureux lauréat par intérim si les panneaux publicitaires enlaidissaient l'entrée des bourgs à l'époque, s'il existait déjà des catalogues de botanique, il se fait énigmatique.
Au fait, quel était le secret du bonheur du jardin de Greystone, disparu mystérieusement peu de temps après la mort de son créateur ? "La liberté",répond avec fougue Marco Martella. La même sève bouillonne dans ses veines et dans celles de Jorn de Précy. De là à imaginer qu'il s'agit de la même encre..."
C'est donc en visionnaire que Jorn de Précy nous parle de ce système capitaliste avide de croissance, destructeur de l'humain, l'obligeant à des efforts sans fin. Ce matérialisme, il l'oppose au monde naturel qui se suffit à lui-même. L'auteur passera la plus grande partie de sa vie à créer son refuge : le jardin idéal. Ce sera à Greystone, dans l'Oxfordshire. L'Angleterre n'est-elle pas la patrie des jardins ? Une fois de plus, il anticipe. Son jardin sera sauvage, en mouvement. Les plantes s'y ressèmeront librement, le jardinier dilettante se contentera de réguler la vie sauvage des arbres, plantes et graminées. "Jardiniers, soyez paresseux !",intime-t-il aux amateurs. Selon lui, la priorité est aux herbes hautes, aux marguerites, aux renoncules et aux coquelicots. A la vigne aussi, partout, comme elle vient. Voici venu le temps de la biodiversité, un mot qui reste encore alors à inventer. Et ce bréviaire d'avant-garde n'aurait surpris aucun esprit éclairé depuis 1912. Cent ans d'incognito, si l'on en croit Marco Martella, historien spécialisé passionné et fin connaisseur de l'art des jardins anglais.
Lui assure avoir découvert The Lost Garden il y a trois ans, par un hasard dans un marché aux puces de Londres. Il l'aurait tout simplement traduit et titré Le Jardin perdu. Le livre a reçu, le 2 juin, dans le cadre enchanteur du château du Lude (Sarthe), le prix Pierre-Joseph Redouté dans la catégorie littéraire (du nom du peintre du début du XIXe siècle, dit le "Raphaël des fleurs"), un prix considéré comme le "Goncourt des jardins". Et, quand on demande à l'heureux lauréat par intérim si les panneaux publicitaires enlaidissaient l'entrée des bourgs à l'époque, s'il existait déjà des catalogues de botanique, il se fait énigmatique.
Au fait, quel était le secret du bonheur du jardin de Greystone, disparu mystérieusement peu de temps après la mort de son créateur ? "La liberté",répond avec fougue Marco Martella. La même sève bouillonne dans ses veines et dans celles de Jorn de Précy. De là à imaginer qu'il s'agit de la même encre..."
Catherine Pacary
Le Monde
20 juin 2012
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